Témoignage de Cécile Breton, CPE au lycée E.Pisani de Montreuil Bellay (49)
Cécile Breton, CPE, nous explique : "Il y a 7 ans, le lycée a dû faire face à de nombreuses situations de harcèlement au sein d’une classe. Pourtant, le lycée est un établissement de petite taille, 170 élèves, 70 % d’internes." Jusque-là, nous étions plutôt épargnés par les phénomènes de harcèlement se souvient Cécile Breton, CPE. Nous avons alors réfléchi à mettre en place des actions permettant de prévenir le harcèlement et non plus le subir afin de cesser de et jouer le rôle de "pompiers" une fois que l’incendie s’était déclaré.
Le Réseau RESEDA proposait à l’époque, la formation de Sentinelles/Référents animée par le pôle "Discriminations Violence Santé" de la Ligue Française pour la Santé mentale. Durant cette formation, apprenants et adultes sont sur le même pied d’égalité. Ceci est très enrichissant et il est rare de se trouver dans ce genre de situation. Les échanges sont fructueux et au fur et à mesure, le groupe se forme, des liens se créent.
Depuis, tous les 2 ans, nous formons de nouvelles sentinelles et référents. Les élèves de Secondes et de Première peuvent postuler afin de profiter de leur présence au lycée sur 3 et 2 ans. Tous les membres du personnel peuvent s’y engager. Actuellement, des agents de service, des secrétaires, des AE, des enseignants sont référents et cette mixité est très enrichissante dans le croisement des regards sur les situations abordées.
Les Sentinelles sont donc investies d’une double mission. Tout d’abord en direction de la personne harcelée : il s’agit d’aller vers elle, de ne pas la laisser seule. Il est en effet indispensable pour une personne harcelée, rabaissée, de sentir qu’elle n’est pas complètement seul et qu’elle est reconnue dans sa souffrance. Mais dans le même temps, les Sentinelles essaient d’agir sur les sur les témoins passifs, qui sont dans le déni de la violence faite à la victime, en leur faisant reconnaître la souffrance du harcelé. Il s’agit de leur faire prendre conscience du rôle important qu’ils occupent dans le mécanisme du harcèlement en ne contredisant pas le harceleur, voire même qu’il le conforte dans son action en ne s’opposant pas à lui.
Par contre l’élève Sentinelle ne doit en aucun cas se tourner vers le harceleur, c’est aux référents de s’en préoccuper. Un harceleur est une personne qui peut être ou avoir été en souffrance. Souvent lorsque nous les interrogeons, ils répondent que dans une scolarité antérieure, ils ont été victimes de harcèlement. Leurs souffrances et leur statut de victime n’ont pas été reconnus. Envisager de les exclure de l’établissement n’est absolument pas une solution. Les référents sont bien entendu des interlocuteurs pour les élèves harcelés. Mais souvent dans un premier temps les élèves préfèrent parler à leurs pairs.
Pour les référents, ce gain de temps dans le repérage des situations problématiques est l’atout majeur de ce dispositif.
En début d’année, plus particulièrement, certains élèves ont des difficultés à nouer des liens avec leurs camarades. Les Sentinelles vont les inviter à s’installer à leur table au réfectoire.
Des internes ont du mal à accepter l’internat, l’éloignement avec leur famille leur pèse. Les Sentinelles vont aller leur parler de leur expérience à leur arrivée et vont les rassurer.
Il est important de souligner que les Sentinelles ne sont pas vus comme des "balances" mais comme des aides auprès de leurs pairs, comme des tuteurs sur lesquels les uns et les autres peuvent s’appuyer, se confier.
Il est primordial de communiquer sur le rôle et les missions des Sentinelles au sein du lycée notamment auprès des nouveaux élèves. Alors, des actions de partage d’activité autour du vivre ensemble sont organisées tout au long de l’année. Nous communiquons également auprès des familles lors des Portes ouvertes et nous mettons dans les dossiers d’inscription une plaquette présentant le dispositif.
Notre autorité académique valorise ces élèves par la mise en place de badges de compétences. Leur implication est valorisée au sein de l’établissement par une mention inscrite dans le bulletin trimestriel. Les élèves mentionnent ce rôle dans leur CV et lors d’entretien pour concours ou emploi, ils sont régulièrement questionnés à ce sujet.
Chaque année, ces actions sont reconduites et bien inscrites dans le projet d’établissement. Le financement de ces actions se fait sur le budget de l’établissement. Cela démontre l’engagement de la direction pour ce dispositif.
Le climat scolaire au sein du lycée est plus serein depuis que le dispositif est mis en place. Apprenants et adultes travaillent ensemble, les projets ne sont plus simplement faits pour les élèves mais surtout avec eux. Chaque composante ne se sent plus seule, parfois isolée pour régler les problèmes de harcèlement ou organiser des actions. Certains élèves Sentinelles culpabilisaient avant, notamment au collège car ne savaient pas réagir face à des situations de harcèlement. Le regard bienveillant porté par les Sentinelles rejaillit sur l’ensemble et certains jouent ce rôle sans en avoir le titre. Le dispositif est bien installé dans le lycée, connu de toutes et tous et nous avons la volonté de le poursuivre et de l’enrichir par de nouvelles actions générées par les réflexions du collectif."